Les conservateurs utilisés en cosmétique sont aujourd’hui énormément montrés du doigt. Cancérigène, perturbateur endocrinien… ils sont médiatisés et suspectés de pleins de choses. Dans cet article nous allons donc revoir les faits ensemble. Mais avant de rentrer dans les petites histoires et scandales des conservateurs, faisons un bref rappel sur leur rôle et leurs propriétés.
Un conservateur, ça sert à quoi exactement ?
Le but d’un conservateur est d’empêcher le développement de microorganismes tels que des champignons, des bactéries ou encore des levures afin de protéger les propriétés du produit mais surtout la santé du consommateur. Les conservateurs utilisés en cosmétique sont souvent très règlementés, c’est à dire qu’ils peuvent être utilisés uniquement sous le respect de certaines conditions comme un % maximal d’utilisation. Dans l’idéal, un conservateur doit :
- avoir un spectre d’activité le plus large possible (levures, moisissures, champignons et bactéries),
- être efficace à de faibles concentrations,
- être efficace à long terme,
- être efficace sur une large plage de pH,
- être stable,
- être non toxique pour l’homme,
- être compatible avec la formule cosmétique,
- et ne pas être trop cher.
Bref un vrai challenge ! Alors commencons le tour des conservateurs par le cas des parabènes.
Les parabènes, qu’est ce que c’est ?
Les parabènes ceux sont des composés issus de la pétrochimie (donc du pétrole) et utilisés en tant que conservateurs aussi bien en cosmétique, qu’en pharmaceutique et qu’en alimentaire. Les parabènes ont l’avantage d’avoir un large spectre d’activité sur les bactéries, les levures, les moisissures et les champignons, d’être non sensibilisants pour la peau (aucunes irritations) et ils sont en plus peu chers. Ainsi, au plus fort de leur utilisation, les parabènes étaient présents dans près de 80% des produits cosmétiques. Ils étaient considérés par tous les fabricants comme pratiques, efficaces, sans danger et bien tolérés par la peau. Seulement voilà, tout a changé en 2004, lors de la publication d’une étude britannique. Cette étude a démontré qu’une partie des parabènes présents dans les cosmétiques, l’alimentataire et/ou les produits pharmaceutiques pouvait être absorbée et retenue dans le tissus du corps humain après en avoir retrouvés dans des tumeurs du sein. Concrètement qu’est ce que cela veut dire ? Et bien, selon les médias qui se sont emparés de l’affaire immédiatement cela veut dire que les parabènes utilisés dans nos produits cosmétiques pourraient être responsables des cancers du sein. Mais ce qu’on a oublié de vous dire c’est que cette étude fut énormément critiquée par la communauté scientifique pour trois raisons :
- elle présentait un échantillonnage trop faible, c’est à dire que cette étude a été effectuée sur trop peu de volontaires,
- il y avait peu de données sur les donneurs, (sur leurs habitudes cosmétiques, alimentaires antécédents médicaux etc…)
- il n’y a aucune comparaison avec des cellules saines : autrement dit si on avait retrouvé des parabènes dans des cellules saines, cela aurait montré qu’il n’y a aucun lien entre parabène et cancer du sein
- et surtout elle n’expliquait pas non plus la provenance des parabènes rencontrés. Ils pouvaient donc venir des 3 secteurs : cosmétique, alimentaire ou pharmaceutique.
Mais cette étude a suffit pour allumer la poudre et on parle désormais de scandale des parabènes. Cependant encore aujourd’hui, aucune étude n’a prouvé la corrélation entre parabène et cancer du sein. Il n’existe donc à ce jour aucun lien de causalité formelle entre le cancer du sein et l’emploi des parabènes dans les cosmétiques.
En 2005 après de nouvelles études, il est en fait apparu que certains parabènes pouvaient être des perturbateurs endocriniens. Pour bien comprendre, il est important de savoir que plus la chaine alkyle du parabène est longue, c’est à dire sa chaine carbonée, plus le potentiel de perturbateur endocrinien est grand.

Les études portant sur leurs risques de pertubateur endocirnien ont été réalisé sur des rats en laboratoire avec des quantités bien plus fortes que la réalité. Mais suite à l’absence de données sur leurs risques de perturbateurs endocriniens, cinq parabènes aux longues chaines alkyles ont été interdits : l’isopropylparaben, l’isobutylparaben, le phénylparaben, le benzylparaben et le pentylparaben. Le propylparaben et le butylparaben sont interdits dans les produits sans rinçage destinés à être appliqués sur la zone du siège des bébés. Le methylparaben et l’ethylparaben sont sans danger sous réserve de respecter leur pourcentage d’utilisation autorisé. Cependant, ce scandale autour des parabènes a conduit énormément de fabricants cosmétiques à tous les retirer de leur produit ! Ainsi, il est assez rare aujourd’hui de les retrouver dans nos produits cosmétiques. En conclusion, je ne suis donc pas d’avis à bannir absolument les parabènes de nos produits et je ne comprends toujours pas comment on a pu en arriver là avec des études si peu approfondies. Surtout que suite à ce scnadale, les fabricants ont dû se tourner vers d’autres conservateurs dont on a encore moins de données dessus…
Pour ceux qui souhaient les éviter c’est facile, ils ont tous paraben dans leur noms INCI.
Revenons maintenant aux années où le formaldéhyde était maître des conservateurs.
Le formaldéhyde est lui aussi un conservateur qui a été très utilisé. Cependant ce composé a très vite été classé comme allergisant pour la peau, il fut donc remplacé par d’autres conservateurs qu’on appelle des libérateurs de formaldéhyde qui sont eux un peu moins allergisants. Les libérateurs de formaldéhyde sont des substances antibactériennes et antifongiques qui agissent comme leurs noms l’indiquent en libérant du formaldéhyde.
Pour information, aujourd’hui, le formaldéhyde est classé comme agent cancérigène, il est bien heureusement très peu présent dans nos produits cosmétiques !!! Mais il n’en est pas de même pour les libérateurs de formaldéhyde car leur cas est en réalité assez complexe. Par exemple, la libération de formaldéhyde dépend de nombreux facteurs comme le pH de la formule, la température de la solution et la durée de stockage du produit. En résumé, on est sûr qu’il peut y avoir du formaldéhyde mais on ne sait pas s’il y en a vraiment et si oui à quelle quantité ? Du coup, vu l’aspect assez flou au niveau des libérateurs de formaldéhyde je serais plutôt d’avis de les éviter.
Voici donc la liste des libérateurs de formaldéhyde que vous pouvez retrouver dans vos produits cosmétiques :
- Benzylhemiformal : max. 0,15 % du produit fini, autorisé uniquement dans les produits à rincer
- 2-Bromo-2-nitropropane-1,3-diol : max. 0,1 %
- Diazolidinyl urea : max. 0,5 %
- DMDM hydantoin : max. 0,6 %
- Imidazolidinyl urea : max. 0,6 %
- Quaternium-15 : max. 0,2 %
- Sodium hydroxymethylglycinate : max. 0,5 %
Après le formaldéhyde et les parabènes vient le problème des MIT
Suite au scandale des parabènes et au caractère cancérigène et allergisant du formaldéhyde, ces composés ont très vite été remplacés par les MIT c’est à dire méthylisothiazolinone et méthylchloroisothiazolinone. Le problème des MIT aujourd’hui, c’est leur potentiel allergisant. Suite à l’abandon massif et rapide des parabènes, ils se sont alors retrouvés dans un grand nombre de produits cosmétiques et c’est cette forte présence sur le marché qui a provoqué une augmentation des allergies par les MIT. Autrement dit, lorsque les MIT sont présents à leur pourcentage maximal d’utilisation, ils ne déclenchent que très peu d’allergies mais lorsqu’ils sont présents dans TOUS vos produits cosmétiques c’est une toute autre histoire. Aujourd’hui, les MIT sont donc soumis à des restrictions : interdits dans les produits non rincés et autorisés avec un pourcentage maximal dans les produits rincés c’est à dire shampoing, gel douche… Donc si vous avez une peau sensible qui réagit facilement ou si vous avez un terrain allergène, mieux vaut évitez les MIT, sinon pour les autres il n’y a pas besoin s’inquiéter.
Les nouveaux conservateurs
On arrive enfin sur les conservateurs qui ont pris la relève aujourd’hui : parlons bien sûr du phénoxyethanol autorisé à un pourcentage maximale de 1%.
Le phénoxyethanol est accusé aujourd’hui d’être un perturbateur endocrinien. Cependant, le Comité Scientifique Européen pour la Sécurité des Consommateurs de la Commission Européenne (oui, toujours plus long le nom…) a examiné toutes les données disponibles et a conclu que l’utilisation du phénoxyéthanol comme conservateur à une concentration de 1% dans les produits cosmétiques est sans danger. En faite, les études montrant l’effet perturbateur endocrinien du phenoxyehthanol ont été réalisés avec des doses très élevées, beaucoup plus élévées que ce qui est présent réellement dans nos cosmétiques. De plus, ayant travaillé en formulation cosmétique, le phénoxyéthanol est plutôt utilisé à des concentrations comprises entre 0,6% et 0,8%. En faite, il y a aujourd’hui une vraie bataille réglementaire entre l’ANSM (agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) et l’Europe sur la présence de phénoxyéthanol dans nos produits et surtout sur ceux destinés au siège des enfants. Il est également dit que le phénoxyethanol provoque des allergies, mais en réalité seuls de très très rares cas ont été observé. Ainsi, je n’ai donc aucun probème vis à vis du phénoxyéthanol mais bien entendu c’est à vous de vous faire votre propre opinion.
En conclusion
Les conservateurs sont par définition des substances biologiquement actives pour tuer les moisissures, les levures, les bactéries et les champignons. Ils permettent donc de protéger le consommateur. Le revers de la médaille, c’est qu’en étant des substances biologiquement actives pour tuer, ils peuvent agir comme des agents irritants, sensibilisants et être potentiellement toxiques pour l’homme. De ce fait, leur innocuité sera toujours remise en question. Ainsi, méfiez-vous de ce que les médias peuvent raconter et faites de plus amples recherches à leur sujet pour vous forger votre propre opinion. Par exemple, les parabènes qui ont été critiqué par tous, restent à l’heure actuelle l’un des conservateurs les plus étudiés et les plus utilisés aux cours des années donc ils présentent un risque beaucoup plus faible contrairement aux nouveaux conservateurs dont on a encore peu de données dessus… Bien sûr le manque de données ne veut pas forcément dire que les nouveaux conservateurs sont dangereux…
Deuxièmement, le problème comme vous avez pu le remarquer vient de l’augmentation du nombre de produits cosmétiques dans nos salles de bains et la diminution du choix des conservateurs par les fabricants. On se retrouve donc avec une dizaine de produits contenant exactement le même conservateur. Ainsi même si les fabricants ont respecté le % maximal autorisé c’est en fait l’accumulation de produits utilisant le même conservateur qui peut causer des allergies et autres problèmes pour la peau. Ainsi, si vous voulez éviter certains risques, je vous conseille d’utiliser des produits avec des conservateurs différents.
Rassurez-vous également tous les conservateurs ne sont pas controversés. Il y a par exemple le sodium benzoate et le potassium sorbate qui sont autorisés en cosmétique bio. Vous allez me dire pourquoi dans ce cas là, tout le monde ne les utilise pas ? Tout simplement car ces deux conservateurs suffisent rarement, ils n’ont malheureusement pas une efficacité microbienne assez puissante.
Bibliographie :
- PD Darbre, A Aljarrah, WR Miller, NG Coldham, MJ Sauer & GS Pope, Concentrations of parabens in human breast tumours, J Appl Toxicol. 2004
- R Golden & J Gandy, Comment on the publication by Darbre et al. (2004), J Appl Toxicol. 2004
- R Golden, J Gandy & G Vollmer, A review of the endocrine activity of parabens and implications for potential risks to human health, 2005
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Safety review of phenoxyethanol when used as a preservative in cosmetics, Journal of the european academy of dermatology and venereology, 2019
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Final Report of the Safety Assessment of Methylisothiazolinone, International Journal of Toxicology, 2010